ingénieurs et les architectes - Construction - Phuket

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« Regarde, » me dit Liberto en me tendant une ancienne photocopie,
« c’est moi il y a vingt-huit ans. »

Sous mes yeux, le noir et blanc révèle le visage d’un homme encore jeune, sourire éclatant, regard passionné et franc. Pourtant, sur cette photo, il a déjà quarante-sept ans. Il est difficile d’imaginer que ces yeux-là, pleins d’élan, aient gardé tant de candeur après quatorze années passées dans le désert saoudien, à bâtir palais et abris antiatomiques pour la famille royale.

Liberto Heraz-Gomez
Liberto Heraz-Gomez

Sur ce cliché, illustrant un article du Gavroche , la journaliste Hélène Vissière interrogeait Liberto, alors à l’aube de son ascension sur le marché de la construction en Asie du Sud-Est. Était-ce la Thaïlande qui avait ravivé en lui cette clarté dans le regard ?

— Je suis arrivé en Thaïlande au début des années 1980, raconte-t-il, pour y recruter des ouvriers destinés à mes chantiers d’Arabie saoudite. À cette époque, les Thaïlandais représentaient la majorité de la main-d’œuvre dans le Golfe.

Il marque une pause, songeur…

— À peine descendu de l’avion, je n’ai vu que des sourires autour de moi. Les gens étaient d’une gentillesse rare, d’une patience inouïe envers un farang comme moi qui ne comprenait rien à leur langue… Ici, alors, presque personne ne parlait anglais, encore moins français. Pourtant, à force de sourires, de gestes et de patience, on finissait par se comprendre. La Thaïlande, dans les années 1980, c’était le paradis sur terre, à l’opposé de tout ce que j’avais connu jusque-là.

En 1984, Liberto franchit le pas. Il s’installe en Thaïlande, le pays de son épouse. Sans renoncer tout de suite à ses chantiers d’Arabie, il vient s’y ressourcer, tous les deux mois, le temps d’une quinzaine de jours parmi les siens.

Sept ans plus tard, il crée sa première entreprise à Bangkok. Indo Construction & Engineering voit le jour, portée par quarante ouvriers thaïlandais qu’il a ramenés avec lui d’Arabie Saoudite et par le soutien d’anciens expatriés des Émirats installés dans la capitale. Le 2 juin 1994, lassé par les guerres et la montée de l’intégrisme, il quitte définitivement l’Arabie.

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Liberto en Arabie Saoudite: années 80

Vingt-huit ans ont passé. À Phuket, Liberto Heraz-Gomez est devenu une figure respectée. Il dirige trois sociétés spécialisées dans la construction, mais il n’a rien perdu de sa modestie.

— Je suis né dans une famille d’ouvriers. Mon père et mon frère étaient maçons, je n’ai fait que suivre leur chemin. Enfant, je trimais dix heures par jour ; adulte, c’était encore plus dur. Je connais la valeur du travail, l’effort qu’il coûte.Il sourit, la voix grave.

— Et je sais reconnaître ceux qui savent vraiment travailler. Prends les manœuvres thaïs qui étaient avec moi en Arabie, qui sont toujours là aujourd’hui : parfois, tu as l’impression qu’ils ne font rien ou qu’ils avancent trop lentement. Eh bien, essaie donc de suivre leur rythme un jour entier.

Tu t’écroulerais ! Mais eux, ils continuent, sous le soleil de plomb ou sous la pluie. Il ne faut pas oublier : tous ces gratte-ciel de Bangkok, tous ces palais d’Arabie, ce sont d’abord les ouvriers thaïs qui les ont construits.

Et je ne parle pas seulement des ingénieurs ou des architectes dans les bureaux climatisés, mais de tous ces maçons, principalement issus de l’Issan. De nos jours, il y a aussi beaucoup de Birmans, de Laos, de Cambodgiens, mais la main-d’œuvre thaïlandaise reste essentielle. C’est grâce à elle que le Royaume avance.

Ses trois sociétés emploient aujourd’hui plusieurs centaines de personnes.

Le noyau fidèle des quarante ouvriers du début s’est élargi : frères, cousins, épouses, enfants ont grossi les rangs. D’autres compétences plus techniques sont venues enrichir l’équipe : architectes, designers, ingénieurs, graphistes… Tous appartiennent à une grande famille, soudée par le travail et la bonne humeur.

— Ma première société, I.C.E., je l’ai créée en 1991, explique Liberto. Elle se consacre à la conception de dossiers complets pour la construction, en Thaïlande comme à l’export. Nous élaborons tout, de la première esquisse jusqu’au cahier des charges détaillé : architecture, plans, choix des matériaux. Le client peut alors emporter son dossier et construire où il veut.

La seconde, Indo Construction Phuket, fondée en 2005, assure la réalisation concrète des chantiers sur l’île.

Quant à la petite dernière, 3LH, elle n’a que deux ans et s’occupe de design et d’ameublement.

— Donc, tes sociétés maîtrisent désormais toutes les étapes d’un projet, de la conception à la remise des clefs, lui fais-je remarquer. Est-ce pour garder le contrôle, ne dépendre de personne ?

— Je veux limiter au maximum les interférences, réduire les risques de retard. Un chantier en retard, tu sais ce que ça coûte : les indemnités journalières peuvent être terribles si tu n’es pas dans les temps. Si ça m’arrivait, je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même.

— Est-ce, au fond, ta façon à toi d’appliquer la philosophie d’autosuffisance prônée par le roi Bhumibol ?

Le regard de Liberto se voile, empreint de respect.

— Le roi Bhumibol était un roi bâtisseur. C’est lui qui a fait de la Thaïlande ce qu’elle est. Avant lui, il n’y avait pas tous ces barrages, ces retenues d’eau, ces réseaux d’irrigation. Il a toujours affirmé que son peuple devait pouvoir se nourrir sans dépendre de l’étranger… Et quand on voit ce qui se passe dans certains pays voisins, on ne peut que lui donner raison.

Il me montre le ruban noir qu’il a accroché à la manche de sa chemise.

— Tu vois, ce signe de deuil, c’est pour lui. Je lui dois beaucoup ; c’est, en partie, grâce à sa sagesse et à sa vision que j’ai pu m’installer ici et y bâtir ma vie. Oui, sans doute, mon entreprise reflète un peu sa philosophie.

SM Le Roi Bhumibol Adulyadej

S.M. Le Roi
Bhumibol Adulyadej
5/12/1927 – 13/10/2016

Je l’interroge alors… S’il pouvait recommencer sa vie, referait-il tout de la même manière ?

Liberto réfléchit, un sourire doux au coin des lèvres.

— Je ne changerais pas grand-chose, murmure-t-il. J’aurais tenté de venir en Thaïlande avant mes trente ans : c’est mon unique regret, d’être arrivé un peu tard. Un autre regret, c’est de ne pas avoir vu grandir mes quatre premiers enfants. J’étais partout, tout le temps, des semaines entières sur les chantiers, du matin à la nuit. Dans ce métier, la famille passe souvent au second plan…

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Liberto Heraz-Gomez - CEO

Il se redresse, le regard plus lumineux.

— Mais j’ai eu une seconde chance. Mon cinquième enfant, je peux enfin le voir grandir. Je commence la journée plus tard, je finis un peu plus tôt, je peux l’accompagner à l’école, lui parler de la vie, lui apprendre à ne pas croire que tout tombe du ciel. Il sait déjà que sans le travail, on n’est rien.

De la fenêtre, on aperçoit la cour animée, bordée par les logements des ouvriers et les ateliers.

— Tous les jours, il voit les équipes s’activer, fabriquer des meubles, partir sur les chantiers, revenir le soir fatigués mais souriants. C’est la plus belle des écoles.

Il marque un temps, regarde au loin, puis conclut sans emphase, mais avec la force des bâtisseurs :

— Une vie, ça ne se rêve pas. Ça se construit, pierre après pierre, main dans la main avec ceux qui vous entourent.

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1 réponse

  1. Baldachino dit :

    Bonjour Monsieur,

    Je souhaiterai construire une maison en Thaïlande. Je m’adressee
    à vous par instinc ..
    Je débute totalement
    Vendez vous des terrains ou faut il que j’en trouve un en amont.?

    Ensuite comment ça se passe svp

    Merci
    Camille Baldachino

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